L’écrivain maudit travaille à sa postérité

Maudit

19 octobre 2021

Même quand, passablement courroucé, il invective par e-mail un quelconque service client — celui d’Ikea par exemple, pour lui réclamer les pièces forcément manquant (il ne voit pas d’autre explication) à sa bibliothèque BILLY sur le rayonnage de laquelle il se réjouissait d’avance de classer ses auteurs préférés par ordre alphabétique (ou par genre, ou par pays, ou par format, la question reste en suspens), excluant d’ailleurs peut-être un peu vite qu’il l’ait tout simplement montée de traviole, ce qu’accréditerait plutôt l’inclinaison fâcheusement oblique du meuble obtenu — l’écrivain maudit s’interdit de lésiner sur les fioritures lyriques, soucieux de déployer en toute occasion des trésors d’inventivité littéraire, en prévision de la publication posthume de sa correspondance privée.

C’est la même raison qui lui fait répugner — en réponse aux couchers de soleil, selfies et autres gros plans peu ragoûtants de cassoulet que diffuse sa tante sur la liste WhatsApp familiale, si fière de ses vacances au camping — à l’usage trop fruste de smileys.

Postérité

Last modified: 19 octobre 2021