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Le paradis ne tenait qu’à l’absence de leur Dieu
Dans son impressionnant Christophe Colomb Héraut de l’apocalypse, Denis Crouzet tente, mais en historien rigoureux, de nous faire appréhender la découverte de l’Amérique depuis la perspective intime de l’Amiral de la Mer Océane, qui n’était selon lui ni un pionnier héroïque, ni un Hitler en herbe, ni un opportuniste mythomane, ni quelque homme théorique opérant une jonction imaginaire entre Anciens et Modernes, mais un illuminé de Dieu, accomplisseur messianique des prophéties d’Isaïe, se croyant vecteur malgré lui de la parole divine, l’élu devant conduire l’humanité entière à son salut, c’est-à-dire à la fois le ralliement des Indes, la conversion des Gentils, la reconquête de Jérusalem (ainsi que tout l’or nécessaire au financement d’une telle croisade), la fin (et donc le début) des Temps depuis le jardin d’Eden, soit le fourre-tout idiosyncratique d’un mystique autodidacte, interprétant toutes les vicissitudes de sa mission comme autant de signes à même de renforcer sa détermination, aussi contradictoires ou terribles fussent-ils (ainsi l’homme s’accommode-t-il, via les contorsions et clivages de sa voix intérieure, de ses erreurs et de ses échecs), ajustant sans cesse à leur aune le discours de ses relations de voyage. Nous sommes renvoyés à ces temps inconcevables pour nous où la géographie, lacunaire, était encore labile, où l’existence d’îles fantômes surgies d’anciennes rumeurs était attestée par les atlas et les portulans (Île de Saint-Brendan), où des cités mythiques, couvertes d’or, qu’habitaient cyclopes et hommes cynocéphales, somnolaient encore dans les ténèbres dans l’attente de l’Évangile.
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