J’inaugure une nouvelle méthode (ce soir, j’ai bu deux verres de rhum). Et peut-être même retourné-je ma veste. Longtemps, j’ai cultivé l’habitude d’écrire avec préméditation (la preuve : cette phrase même est préméditée). Mais ça ne colle plus à mes conditions d’exercice. D’ailleurs, j’abandonne les deux dernières pièces (un texte à propos de John Cage, l’autre, de Vargas Llosa) que j’avais ourdies : peine perdue. De toute façon, ça intéresse qui, mes états d’âme esthétiques ? J’avalise plutôt le fait accompli ; au pied du mur, on écrit comme on peut.
On peut rouler dans Paris, un dimanche de manif’, sans même s’apercevoir que c’est jour de manif’, pour peu qu’on ait la chance d’esquiver le parcours (mais tout de suite quelle galère, si par exemple j’avais eu à faire vers République, plutôt que vers l’Île Saint Louis : là-bas, à quelques encablures seulement, des batailles rangées, la rituelle comédie de guérilla urbaine, insoupçonnable d’ici, où touristes et flâneurs vaquent à leur dimanche le long des quais aménagés pour leur loisir). Sur Twitter, des militants se gargarisent de bons mots tagués sur des vitrines ; ils en sont très fiers, de leurs tags choc. C’est désormais une sorte de fétichisme, chez les préposés au pavé. Armés de slogans en guise d’art officiel, les révolutionnaires sont devenus des pubards comme les autres.
Last modified: 7 mai 2022