Même mort, il pince encore ce crabe dont j’attaquai si maladroitement la carapace au casse-noix que je m’en fichai un éclat dans le pouce.
V’là-t’y pas que je me suis tordu le gros orteil du pied droit, un mauvais coup donné dans le sable — dans la bande intermédiaire entre la mer descendante et les serviettes, où il est suffisamment sec et humide à la fois pour se lier comme l’eau avec le ciment — en jouant au ballon avec mon fils. À chaque pas j’ai mal, ça me distrait de mon épaule. Sans compter mes petits bobos de vacances, la peau de l’auriculaire râpée en passant l’éponge sous les angles d’un micro-ondes, depuis la base de l’ongle jusqu’au deuxième tiers de la phalange, le pouce droit brûlé en sortant un plat du four, entaillé aussi latéralement par l’éclat de crabe susmentionné, des bobos qui cicatrisent mal parce qu’on a toujours les mains plongées dans l’eau de mer, le sel tel l’acide corrodant les plaies à l’intérieur desquelles s’immiscent en outre des grains de sable, parce qu’on ne ménage pas sa monture en effectuant sans retenue ni calcul tous ces menus gestes du quotidien qui impliquent frôlements, frottements, pincements, cognements et viennent à tout moment — qu’on soit en train de décortiquer des crevettes, désensabler pelles et seaux, déboucher une bouteille de rouge, vaquer aux corvées ménagères — raviver la douleur en appuyant là où ça fait mal.
L’hypocondrie me guette. Mais j’ai des circonstances atténuantes : elle est empiriquement fondée.
Last modified: 9 septembre 2024