Arrivée à La Baule durant un week-end de grande affluence. Entrée du pont de Saint-Nazaire bouchée, d’autant plus embouteillée pour nous que j’ai suivi les prescriptions de Waze qui m’a dérouté vers un de ces itinéraires alternatifs foireux dont il a le secret, où tous les petits malins comme moi sont allés s’empaler comme un seul homme, persuadés de se soustraire habilement aux bouchons (n’ai-je pas adressé en pensée quelque chose comme « So long, losers ! » à tous les véhicules à l’arrêt tandis que je m’échappais in extremis via une bretelle ex machina ?), s’embourbant finalement dix fois plus que s’ils avaient sagement pris leur mal en patience via l’itinéraire standard, congestionnant subitement toutes les rues auparavant tranquilles d’un quartier résidentiel sans histoires, où se mêlent dès lors aux fumées des barbecues familiaux les fumées des pots d’échappement. Comme quoi certains types de casse-tête excèdent encore les capacités de l’intelligence artificielle (dont je ne doute pas que Waze y ait recours d’une manière ou d’une autre) : comment faire en effet pour que le calculateur, piètre prophète en l’occurrence, n’accuse pas toujours un temps de retard sur l’insondable libre arbitre des automobilistes, agrégés en flux dynamiques dont l’écoulement semble impossible à anticiper ? Ou peut-être est-ce tout simplement qu’une foule, par où qu’on la fasse passer, reste une foule ?
(Il me semble au passage, mais c’est un autre — vaste — sujet, qu’il ne faudrait pas nommer l’intelligence artificielle ainsi. Au prétexte que ses premiers inventeurs ont prétendu imiter, ou simuler, le mode de raisonnement logique d’abord puis, avec plus de succès, le système neuronal, structures formelles à quoi l’on a donc abusivement réduit la notion floue d’intelligence, complexe à appréhender voire impossible à isoler de son vecteur humain, ou même animal en une acception plus large, on a fini par graver dans le marbre une analogie trompeuse qui ouvre la porte à tous les fantasmes et à toutes les confusions.)
La tendinite a moins le vent en poupe, depuis qu’un nouveau diagnostic, qui m’a été suggéré par une connaissance, tient la corde : la névralgie cervicobrachiale. Indirectement suggéré, cela dit : on l’a dit à ma compagne en mon absence, qui n’a pas su m’en rapporter l’intitulé exact, à la suite de quoi j’ai fait des recherches autour d’une « douleur nuque épaule », et suis tombé là-dessus qui m’a semblé correspondre en tous points en effet. À moins que ce ne soit pas exactement le terme qu’on ait prononcé devant ma compagne, auquel cas il resterait encore une troisième hypothèse. En somme, je ne suis pas beaucoup plus avancé. Mais je m’accroche pour l’instant à cette idée, qui a toutes les apparences pour elle et m’a permis de glaner en ligne des exercices d’assouplissement et d’étirement adaptés, dispensés par des youtubeuses un peu nunuches qui parsèment leurs démonstrations bénévoles de phrases du type : « vous êtes beaux comme vous êtes », ou encore : « houlalala, ça fait du bien comme tout comme tout », tout en touchant du bout des doigts le bout de leurs orteils, quasiment en grand écart, tandis que moi, les jambes ouvertes d’un angle d’à peine trente degrés, je frôle déjà le claquage et la rupture de tous mes ligaments (c’est que, une chose en entraînant une autre, on commence par tenter de se soulager le dos, puis on se retrouve à se contorsionner dans des positions invraisemblables, stretching niveau expert).
Depuis l’appartement familial, vue panoramique sur l’ample baie littorale. Chaque matin, au premier dessillement sur le jour, l’océan fait son effet. On voudrait se lever avec lui à vie.
Comment en est-on arrivé là ? se demande-t-il, une fois venu le dernier jour des vacances.
Last modified: 13 septembre 2024