Un exercice contrefactuel instructif

À la recherche d'une forme

16 mai 2025

Avocat du diable 12

Lire l’épisode précédent : où l’on s’aventure sur un terrain peu familier

C’est amusant parce que, toujours à propos de cette histoire de retraite par capitalisation — tant qu’on y est ! — un économiste notoirement libéral mais peu suspect de malhonnêteté intellectuelle, Sylvain Catherine, s’est livré à un exercice contrefactuel instructif : imaginons qu’un salarié, ayant commencé à travailler en 1982 et payé au SMIC tout au long de sa carrière, ait investi chaque mois 10% de son salaire brut dans le CAC40. À l’aide d’un calcul rétrospectif tenant compte de l’inflation et de la rentabilité actuarielle historique de l’indice, Sylvain Catherine démontre que notre smicard aurait accumulé pour sa retraite un capital de 350 000€, convertible « en une rente viagère indexée sur l’inflation de 1 512 euros mensuels, soit 300 euros de plus que le montant prévu par le système par répartition existant, malgré un taux de cotisation plus de deux fois plus élevé. » Ces mêmes 10%, épargnés mensuellement au taux de rendement de la retraite par répartition, tel qu’estimé par le Conseil d’Orientation des Retraites pour la cohorte de 1960, vaudraient aujourd’hui 114 000€, soit trois fois moins. Et ce malgré les krachs boursiers de 1987, 2001, 2008 et 2020, qui fournissent habituellement leur argument massue aux opposants au système par capitalisation, choisissant d’ignorer qu’en tendance longue, le risque d’un tel placement est en réalité infinitésimal. Détracteurs qui, paradoxalement, ne ratent pas une occasion de reprocher aux actionnaires de s’en mettre plein les fouilles : il faudrait savoir !

Contrefactuel

Mes deux exemples (1 et 2), bénins et anecdotiques en eux-mêmes mais qu’on pourrait multiplier à l’envi, m’apparaissent comme des symptômes d’un vice plus général affectant cette certaine frange d’écrivains que j’évoquai plus haut sans la définir, ce à quoi je vais m’employer maintenant à gros traits, plus ou moins imputables à ses représentants selon les cas, aussi approximatifs que peut l’être toute tentative de circonscription d’un ensemble hétérogène ; à savoir des écrivains en marge du champ autorisé, ignorés et méprisés par les tenanciers de l’industrie éditoriale — ces fossoyeurs de la littérature —, condamnés à un humiliant anonymat malgré les efforts infatigables et sincères qu’ils déploient en faveur d’une littérature originale. N’existant, à peu de choses près, qu’à travers le web — ils ont au moins la chance, à la différence de leurs prédécesseurs, d’être contemporains d’un médium universel qui leur permet de faire librement circuler leur production, aussi confidentielle dût-elle rester —, ils constituent ensemble un réseau plus ou moins serré d’affinités artistiques se voulant avant-garde et, s’étant adaptés à leur support de prédilection, concourent à l’émergence d’un genre nouveau, le meta-journal en temps réel, au sein duquel bien souvent ils commentent par le menu les coulisses et affres de la création, si intarissables sur ce thème qu’on ne leur en voudrait pas parfois d’être un peu plus avares de détails…

À suivre…

Exercice

Last modified: 17 mai 2025