Dominique Farrugia Tag Archive

Le Maroc avant le Maroc

Ma première image du Maroc, c’est-à-dire plutôt la première image de mon séjour au Maroc, n’est pas une image du Maroc proprement dit mais une image d’avant le Maroc, l’image de ma voisine d’avion, une mère apparemment célibataire emmenant sa fille adolescente en vacances à Agadir (ville atroce, du moins pour ce que j’en verrai plus tard par la vitre de mon taxi-tacot me menant à vitesse très modérée, surtout dans les montées, vers le village côtier de Taghazout, ma destination), feuilletant distraitement sur sa tablette électronique toutes sortes de journaux et magazines, Paris Match, le Parisien et d’autres, non pas au sein d’un navigateur mais s’affichant à l’écran sous leur format de journaux et magazines, comme si elle disposait d’une sorte d’abonnement universel en ligne à toutes sortes de journaux et magazines — ce que voyant je me demande comment on peut encore lire, fût-ce distraitement, des magazines — ; ou, avant le décollage, textotant fébrilement sur son mobile — ce que voyant j’aperçois cette phrase qu’elle adresse à son interlocuteur : « Nathalie s’est fait refaire le nez » — ; ou commentant plus tard avec sa fille l’offre cosmétique duty free à bord, certains produits semblant les intéresser toutes deux au plus haut point — et ces produits qui les intéressent, sont-ce les parfums Shakira et Banderas qu’annonce fièrement un steward au haut-parleur, à n’en pas douter des pièces de choix ? — ; ou, plus tard encore, à la fin du vol en fait, durant la descente, tançant vertement sa fille pour quelque phrase insolente que celle-ci aurait prononcée, du moins c’est ce que je déduis de ce que j’entends de l’altercation mère-fille, n’ayant pas ouï ce qui a mis le feu aux poudres en premier lieu, la mère allant déjà jusqu’à menacer sa fille, avant même d’avoir atterri, de la renvoyer manu militari (ce sont mes mots) à Paris. Décidément, les vacances commencent bien pour elles, me dis-je, plaignant surtout la fille, moi qui n’ai pu m’empêcher de penser à propos de la mère, me fondant non seulement sur ce qu’elle m’a laissé entendre et voir, mais aussi plus généralement sur ce que dégage son style, et là pardonnez-moi ma grossièreté et mon peu de charité, moi qui n’ai pu m’empêcher de penser : « à tous les coups encore une connasse de la com’, ou de la pub’, ou de la mode ».

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À la recherche d'une formeCaractères

7 novembre 2024

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