À l’espace coworking, on rêve de growth hacking.
Pirater la croissance donc, non pas en sillonnant les mers du Sud, mais bien plutôt en barbotant dans le marigot surpeuplé du business digital, où tous — vaguement requins, surtout marteaux — convoitent le même butin : la martingale qui les farcira d’or.
Faire fortune facile et immédiate, à moindre mise, par tous moyens, voilà l’imaginaire de braqueur qui les fait bander matin (le plus souvent, ce sont des hommes qui rêvent de growth hacking…). Quick and, si nécessaire, dirty, comme dit le jargon du bâclage.
Pour y croire, il faut faire mine d’ignorer que, sous nos latitudes, les gisements sont taris, le pain blanc consommé, et que la promise-aux-actionnaires croissance à deux chiffres ne peut s’arracher qu’à force de cadences d’enfer, de spéculation financière, d’optimisation fiscale et de dumping social. Combien de successful startupers se sont en fait avérés de purs escrocs, quand ils n’étaient pas tout simplement esclavagistes, ou des rentiers fils-à-papa ?
À vrai dire, le jackpot est toujours pipé.
Growth hacking — sur LinkedIn, ce dépotoir à foutaises, ils n’ont que ça à la bouche, entre deux envolées lyriques (aussi bien des bouffées délirantes) à propos du management bienveillant, écoresponsable et féministe : c’est qu’il faut épouser bruyamment les vertus apparentes du progressisme, devenues — comme l’étaient en leur temps cache-œil, crochet et jambe de bois — des accessoires indispensables à la panoplie.
Last modified: 12 avril 2022