Aux derniers jours du mois de septembre 2010…

À la recherche d'une forme

18 mai 2022

08/05/22

Aux derniers jours du mois de septembre 2010, alors que notre séjour à Paros touchait à sa fin, la propriétaire du petit hôtel dont nous comptions parmi les rares occupants décida de lancer des travaux de réfection, profitant de la faible affluence hors-saison. Tout à coup le boucan, le bazar, la poussière, au point que nous fuîmes dans un autre hôtel passer les deux nuits qui nous restaient sur place.

Dans Jouvence, j’ai transposé cette anecdote, à la manière invraisemblable caractéristique de mon roman (ou du moins de sa seconde partie). Aurélien loge dans une chambre d’hôtel avec vue sur la mer. Un beau matin, il s’aperçoit que des travaux démarrent au pied du bâtiment : on entreprend de construire-là, manu militari, un nouvel hôtel, pour absorber l’affluence touristique croissante. Il est consterné d’apprendre qu’il aura bientôt un vis-à-vis lui bouchant la vue et en effet, dès le lendemain au réveil (alors qu’il est par ailleurs dans une situation critique), il s’aperçoit que deux étages s’élèvent déjà face à son balcon.

Or cette histoire m’a poursuivi, et l’on verra qu’on peut toujours faire pire que l’invraisemblable. Quand nous nous sommes installés il y a quatre ans à Vanves, dans un petit immeuble entouré de maisons anciennes toutes un peu dépareillées, chaque lotissement étant séparé des autres par des arbres et des jardins qui faisaient respirer le tout, nous ne soupçonnions pas que ces maisons seraient abattues une par une (ainsi que les arbres…) pour laisser place à de tonitruants travaux d’édification de grands ensembles résidentiels (auxquels les promoteurs donnent ridiculement des prénoms féminins, pour faire villa romaine : Serena, Matilda, Eugenia etc.), si bien qu’aujourd’hui le seul édifice du pâté de maisons qui reste d’origine, c’est notre immeuble, littéralement encerclé, au nord, à l’est et à l’ouest (il n’y a qu’au sud qui, par chance, correspond à la principale exposition de l’appartement, que quelques maisons encore debout s’interposent entre les travaux et nous, mais pour combien de temps ?), par des résidences à différents stades d’achèvement : l’une terminée et progressivement occupée, l’autre bien avancée, l’autre encore à ses prémisses etc. Et tous les week-ends, sur le parking au pied de notre immeuble, nous croisons des inconnus, généralement des couples, en voie d’accession à la propriété (comme on dit, je crois) venus constater alentour l’état d’avancement des travaux. A. s’amuse à leur faire des grimaces…

Quand je marche dans la ville et que chaque jour je découvre de nouvelles démolitions, de nouvelles érections de chantiers ou des immeubles flambant neuf surgis de nulle part, autant d’émanations de la folie des grandeurs intitulée « Grand Paris », je me dis que, au rythme où ça va, toute la ville sera intégralement renouvelée et reconfigurée d’ici cinq ans, à tel point qu’on devra alors, en toute rigueur, la renommer. New Vanves, par exemple, ou Vanves II.

Les désagréments des travaux pharaoniques au quotidien, c’est déjà invivable. Mais qu’adviendra-t-il de nous quand, avec sa capacité d’hébergement décuplée, notre quartier auparavant paisible sera submergé de nouveaux arrivants ?

Septembre

Last modified: 4 juillet 2022