Fatigue d’insomniaque qui me fait dormir debout — insomnies variables — en ce moment c’est à deux heures du matin que je me réveille sans pouvoir fermer l’œil avant quatre heures — et intermittentes — il m’arrive de me réveiller à nouveau vers cinq heures, pour me rendormir une demi-heure avant la sonnerie de mon réveil — qui me fait dormir debout et traîner ma carcasse tout le jour dans l’ambiance survoltée du bureau, où je m’efforce de faire bonne figure, ce qui est une manière de faire son travail, je me conforme au jeu général, et en effet, tous ces métiers abstraits des cadres de l’industrie digitale — certains disent bullshit jobs — ne sont pas autre chose qu’une sorte de jeu pour adultes, si l’on fait abstraction (et c’est bien ce que l’on fait) de leurs finalités matérielles, la vente de machins aux consommateurs dits finaux, ou de leur impact sur le marché, sur la croissance et ses indicateurs économiques, au fond on réunit des adultes dans un open space et on leur fait jouer entre eux à des jeux, à la fois jeux de rôles, jeux en réseaux, jeux de stratégies, jeux de société, jeux coopératifs, jeux de hasard, jeux de combat même, tout ça à la fois, avec des règles plus ou moins rigides, plus ou moins explicites, des codes et des conventions, des niveaux de difficulté et des boss à abattre, à l’aide de toute une machinerie de casino (Internet se présentant au fond comme une armada de machines à sous) ; les adultes jouent sans fin à des jeux idiots, tristes et vulgaires, bassement utilitaires, sans les moindres des charmes ni des fantaisies des jeux de l’enfance, ils s’y croient avec toute la pesanteur de leur esprit économique, au point qu’ils n’admettraient jamais, au contraire des enfants, qu’ils jouent (les enfants pourtant ne prennent pas moins leurs jeux au sérieux, mais savent au moins, eux, qu’ils jouent, à des jeux autrement amusants qui plus est). Et en effet, tant qu’à jouer, pourquoi diable jouer à ça ?
Last modified: 22 juillet 2022