Semana Grande, envers : c’est une ville ravagée que je traverse à l’aube, ayant pris mon courage à deux mains pour faire une sortie en footing le long du fleuve, parmi des grappes dispersées de fêtards hébétés, encore secoués par les derniers soubresauts des infrabasses — certains se foutent ouvertement de ma gueule tandis que je les dépasse en courant, d’autres m’encouragent un brin ironiquement — le long de l’interminable enfilade de stands à picole qui, hormis quelques poches de résistance sur les quais diffusant encore de la musique pour les plus acharnés, sont en train de fermer boutique. Tout n’est plus que désolation et chaos, partout au sol des déchets et du verre brisé, de la pisse, et une odeur qui vous prend à la gorge, d’autant plus que, courant, j’aspire l’air à pleins poumons, une odeur par endroits insoutenable, inimaginable à l’air libre et pourtant, mélange de pisse, de merde, de vomi et que sais-je encore, que s’efforcent d’effacer les mille bras et jambes d’une armée de nettoyage, lavant la ville à grandes eaux et déployant une impressionnante flotte de balayeuses vertes, pour qu’au plus vite comme nous le constaterons en partant en balade avec les enfants sur le coup des dix heures, Bilbao soit miraculeusement redevenue impeccable, et puisse ainsi faire… rebelote.
(Sur la fin de mon footing je croise un type qui courait devant moi — bien rare coreligionnaire sur ce circuit boudé à raison par les sportifs — et qui m’interpelle d’une phrase que je ne comprends pas, ponctuée d’un « ¡Macho! » triomphal, mais je crois deviner qu’il m’a dit quelque chose signifiant peu ou prou : « C’est nous qui sommes dans le vrai au contraire de tous ces ivrognes ! », ce à quoi je ne saurais catégoriquement acquiescer sans me renier moi-même, du moins le moi-même d’il y a bien longtemps, écumant les festivals et bambochant jusqu’à plus soif de l’autre côté de la barrière…)

Last modified: 5 septembre 2025