Derniers pintxos pour la route

Non classé

8 septembre 2025

Carte postale #12

C’est bien gentil leurs pintxos — huile, friture, sauce, crème, mayo, jambon, graisse en général sous toutes ses formes — mais où sont les légumes au juste ? Même quand la taberna affiche fièrement « healthy food » ou «  sin gluten » sur sa devanture, tout à l’intérieur n’est en réalité que gras, gras, gras.

*

Redondance : dans la petite boucherie de quartier, deux écrans, disposés au-dessus de la vitrine exposant viandes et charcuteries, diffusent des images de viande et de charcuterie.

*

Dans une ruelle pavée du Casco Viejo, devant la librairie de livres anciens Magnolia Rare Books, une dame assise à une table tape à la machine. Face à elle, sa cliente attend le fruit de cette performance live, dont une pancarte fait la réclame : « Poesía para llevar. Dame una palabra y yo escribo el poema. » (Poésie à emporter. Donne-moi un mot et j’écris le poème.)

*

Couvrant la façade de l’immeuble que nous apercevons face à nous depuis l’autre rive de la ria où nous buvons un verre, une multitude d’affiches protestataires s’en prennent à la fois à la prolifération lucrative des locations touristiques qui raréfient les opportunités de logement pour les autochtones, et aux nuisances sonores qu’occasionne pour les riverains la forte musique diffusée dans les bars et sur les terrasses jusque tard dans la nuit (second problème auquel ne sont pas complètement étrangers les touristes déjà incriminés dans le premier, ces deux problèmes étant par ailleurs bien connus à Paris, et communs sans doute à toutes les métropoles européennes un tant soit peu attractives). Comme pour illustrer en direct la controverse, le bar sis au pied dudit immeuble, le Riva nostra (dont le nom affiche bien la couleur, comme si la rive lui appartenait, et non pas aux habitants du voisinage) bat déjà son plein — il est environ dix-neuf heures — avec de la musique électro à fond, et de la bonne, d’ailleurs, pour une fois. (Mais nous sommes en pleine Semana Grande, aussi est-ce la fête ainsi partout : l’événement bénéficie-t-il d’une trêve des doléances, ou est-il pareillement, voire particulièrement, visé ?) Comme je lui explique en termes accessibles les tenants et aboutissants de la question, Robinson craint qu’étant des touristes, nous soyons des méchants. Puis finalement s’absout : « Je suis pas méchant, mais j’aime bien la musique ».

*

La boutique préférée des enfants, qui s’y engouffrent à chaque fois que nous passons devant : Caganer (“Chieur” en catalan), du nom de ce délicat santon porte-bonheur ajouté par les catalans aux personnages traditionnels de la crèche de Noël, accroupi pantalon sur les chevilles en position de défécation, étron spiralé sous lui à l’appui. La scatologique figurine, vendue vingt euros ou plus selon le modèle, est déclinée ad libitum sous les traits de toutes les célébrités possibles et imaginables, réelles ou fictives : Bouddha, Cléopâtre, Trump, Obama, Fidel Castro, les Beatles, Angus Young, Mozart, Maradona, Batman, Maître Yoda, Pikachu, Tintin et ainsi de suite. « Chaque figure est une œuvre d’art unique conçue par l’équipe créative de notre marque, fondée à Barcelone en 1992 » nous promet-on sur le site web. Avec les enfants en tout cas, succès garanti, jamais démenti, du caca.

*

Tandis que nous descendons sur le quai du fleuve en direction du musée maritime, un raffut hard rock de tous les diables, digne du Hellfest, nous accueille : un groupe répète sur une scène en pleine air.

*

Dans ma mémoire le format des cañas espagnoles était inférieur à celui de nos demis de bière, dans les vingt centilitres. Or ce sont plutôt des verres de trente centilitres qu’on me sert tout au long du séjour. Voilà bien un genre d’inflation qui n’est pas pour me déplaire.

*

Sieste de trois heures du fils aîné, après l’avion, dès notre retour au bercail. La première depuis des années. Enfin, nous l’avons eu à l’usure !

Pintxos

Last modified: 8 septembre 2025