Les guêpes apparemment sont carnivores.
Nous dînons sur la terrasse. L’une d’elles s’intéresse de près à nos chipos et nos merguez. Comme elle tourne autour de nos assiettes en rase-motte épileptique, menaçant au moindre écart de nous piquer, nous finissons par l’appâter avec une petite entame de saucisse.
Elle papillonne encore, puis se laisse prendre et mord. Je l’emprisonne sous un verre.
Hélas, c’est sans espoir, car bientôt rapplique sa congénère pour la remplacer, et nous contraindre au repli tête baissée à l’intérieur de la maison.
Plus tard, au moment de libérer la guêpe qui ferraille contre les parois du verre avec une miette de chipo dans la gueule, ou entre ses mandibules, difficile à dire — et pour elle ce doit être l’équivalent d’une côte de bœuf ; au moment donc de la libérer, je me demande : que faire du bout de saucisse qu’on lui a sacrifié, et qui reste sur la table ? L’avaler, le jeter ?
Alors une idée : je le lance dans le jardin adjacent au nôtre, chez Jean Giono ! Ainsi serons-nous liés pour la postérité par un quignon de chipo !
Imaginons : l’un des membres de l’association des amis de Jean Giono, qui a pour siège officiel la maison de l’écrivain, est justement à l’intérieur, derrière les stores, et me voit à mon insu jeter quelque chose par-dessus la haie. Il ne voit pas quoi, conclut à l’acte malveillant, vient frapper à ma porte pour demander des comptes, furibard :
« Qu’avez-vous jeté dans le jardin de Jean Giono ? »
L’histoire de la saucisse lui apparaissant absolument invraisemblable, et même carrément suspecte — « une bêtise pareille cache forcément quelque chose » — voilà qu’il me traîne au poste de police.
Le lendemain, cet entrefilet dans le Dauphiné Libéré :
Manosque : La gendarmerie cherche un petit bout de saucisse dans le jardin de Jean Giono.
Last modified: 2 août 2021