Au marché nocturne

À la recherche d'une forme

18 août 2024

Chronique phénoménologique d'une crise aiguë d'hypocondrie (2)

L’Épine, village sans histoires, architecture d’Épinal, maisons basses, blanches et volets bleus, quadrillage tortueux, toutes les routes, étroites, menant aux pinèdes aboutissant aux plages, eau claire et sable fin, tout à fait, liseré d’algues authentique, pourlèchement élastique jouant dans l’amplitude des marées, borné ça et là par des rochers formant digue.

Morne sans doute l’hiver (qu’on dit doux néanmoins par rapport aux rigueurs continentales des terres), endormi du moins j’imagine, devient gentil repaire de vacanciers l’été, petite bourgeoisie sarthoise, sobre en moyenne quant à l’étalage de ses signes extérieurs de richesse (ce qui n’exclut pas quelques aberrations détonnant, comme ce vieux beau pas très beau en mini-short en jean qui verse ce qui me semble être du crémant dans six gobelets en même temps, fier comme s’il arrosait de champ’ la jet-set à St Trop’, haranguant sa bande, deux autres croulants notamment qui l’écoutent débiner l’ambiance du marché nocturne, rendez-vous estival du mercredi soir, ses produits artisanaux, ses huîtres et ses saucissons, ses buvettes et camionnettes de restauration, sa barbe-à-papa, son pop-corn et ses groupes de pop-rock locaux), au vieux fond catho refoulé, sublimé en un centrisme tiède, sage en tout : familles vouées tout le jour à l’occupation des enfants, jeunes parents courbés sur les exigences de la marmaille, réquisitionnées pour les pâtés de sable, ados s’encanaillant dans les limites du raisonnable, têtes blanches d’ici ou d’ailleurs, tannées et fripées, ventrues ou gringalettes ; non pas qu’on fraie ici avec quiconque, non pas que cette population soit moins conformiste qu’une autre, ni moins beauf, à sa manière prétentieuse en prime, mais chacun mis côte à côte vaque en paix à son été, à bonne distance des autres ; les plages sont livrées à elles-mêmes, laissées dans leur jus, vierges de toute occupation commerciale (ni marchands de glaces ni clubs Mickey ni parcs de transats privés), il y a de la place (d’autant plus aux heures creuses que nous privilégions) et les gens prennent soin de s’espacer, on s’y ébaudit sans se marcher sur les pieds, en toute discrétion — on respire au moins à son aise : il ne doit pas rester tant que ça de stations balnéaires où c’est encore possible. Centre-ville à l’os : une poignée de commerces et de restos, la queue cocorico à la boulangerie, le square et le manège, la place du marché qui sert aussi d’arène pour la séance collective de Zumba en plein air (amabilité du budget municipal). Circulation générale à vélo dans la douceur micro-méditerranéenne, pacte tacite de non-agression entre cellules monadiques ; mais au marché nocturne, une fois rassemblé tout ce petit monde qui vit d’ordinaire à part, l’ambiance n’était pas si aimable, ni le portrait flatteur.

L’animisme spontané du tout jeune enfant, qui en partant dit au revoir à la mer, au bateau, au caillou.

À Paris les champions de démènent. À Noirmoutier, dans l’indifférence générale, une carrière sportive est brisée. Sur blessure.

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Marché

Last modified: 27 août 2024