Coup de grâce à ma carcasse

À la recherche d'une forme

23 août 2024

Chronique phénoménologique d'une crise aiguë d'hypocondrie (4)

Mais il suffit de traverser la pointe de l’île (île qui se présente en deux parties : une fine bande de terre — que rattache au continent un pont à double voie, mais aussi à mi-temps la mince et limoneuse (et pittoresque) chaussée du Gois, raccourci latéral submergé à marée haute —, soit le manche, le long duquel on ne fait que passer, prolongé par la tête, où l’on peut s’arrêter, pour avoir mis tout ce qu’on pouvait de distance entre le continent et soi) depuis notre havre d’air iodé au sud-ouest, vers Noirmoutier-en-l’île au nord-est, longeant par la voie cyclable des marais salants où s’édifient quelques curieux (ça change de la plage), pour pénétrer une atmosphère plus lourde (la chaleur aide, aussi, ce jour-là), sentir s’abattre sur soi la chape des vapeurs émanant de la route à moteurs, parallèle désormais à notre voie, de moins en moins préservée à l’approche du bled d’où déferlent en sens opposé des ribambelles de cyclistes branlants et débraillés. Cette atmosphère plus lourde, cette poisse saveur hydrocarbure, c’est celle du tourisme de masse (aussi modeste soit ici son échelle) dont nous paraît d’emblée caractéristique la rue centrale, piétonne et marchande, vers où convergent tous les ennuis, par vagues de badauds, à l’heure suffocante que devrait seule occuper la sieste ; l’ennui qui arpente la rue marchande en long en large et en travers ; l’ennui en marcel et en claquettes qui se nourrit de lèche-vitrine (ça change du mall). Cette vision nous fait rebrousser chemin, sans même avoir poussé jusqu’à la plage des Dames, belle dans mon souvenir, mais aussi très prisée et malheureusement à portée de camping.

Écrire dans les interstices. Écrire « Écrire dans les interstices ».

Deux jours après le torticolis, je portai le coup de grâce à ma carcasse : pas encore bien remis du cou, j’allai pourtant à la piscine en soirée. Et j’en ressortis une heure plus tard avec un sérieux empêchement à l’épaule, un vif élancement dans le haut du bras. Il ne m’a pas quitté depuis.

Ma théorie, échafaudée a posteriori, c’est que je me suis blessé dès le début, mon échauffement à peine entamé, quand j’ai bêtement brutalement accéléré pour dépasser par le milieu du couloir le nageur plus lent qui gênait ma cadence. Après cela, j’ai brièvement senti que quelque chose clochait, comme un subit chancellement occulte, un coup de mou non localisable, puis les muscles chauffant c’est allé mieux, et je négligeai l’incident, jugeant même tout compte fait la séance plutôt bonne après coup, du moins avant de me refroidir, et de me rendre compte que j’avais mal.

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Carcasse

Last modified: 27 août 2024