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À trop large échelle
Hasard de la sérendipité, juste avant La Pensée écologique, j’avais lu Une question de taille d’Olivier Rey, en tous points l’opposé du précédent, aussi sobre que l’autre est snob, aussi explicite que l’autre est elliptique, et si le livre de Morton, quoique prétendant mortifier les « bien-pensants », se réclame mine de rien du progressisme, c’est-à-dire du bon camp, on pourrait sans trop de risque qualifier de conservateur le livre d’Olivier Rey, au point qu’un historien de gauche en vue sur Twitter, tout en affirmant que ce livre l’avait profondément marqué, reconnaissait dans le même mouvement avoir depuis renié son auteur, et se garder de le citer, du fait de ses prises de position supposément réactionnaires, Olivier Rey s’étant notamment selon lui rendu coupable du crime de transphobie, étant entendu que toute objection, même prudente, aux déroutantes exigences trans vous vaut désormais séance tenante l’anathème automatique (oserais-je rapporter ici ce propos que m’avait tenu une ancienne collaboratrice, et qui me revient maintenant que j’y pense, jeune femme moderne — au sens de la jeune fille moderne gombrowiczienne — au style punk et gothique, féministe radicale participant à l’époque aux collages nocturnes dans Paris, insider autorisée peu suspecte donc de sympathies mal placées ; un propos de comptoir bien sûr hyperbolique, second degré, selon lequel, au sein des groupuscules politiques qu’elle fréquentait, les trans c’était des nazis, la jeune femme moderne voulant signifier par-là la toute particulière implacabilité de leur sectarisme idéologique. Bref…). Voilà donc quelqu’un, pour revenir à l’historien mentionné plus haut, qui, bien qu’adhérant sur le fond à une pensée fustigeant notre perte du sens de la mesure et de la juste proportion — car c’est là la problématique qu’explore sous maintes coutures Olivier Rey, en s’appuyant par exemple sur les critiques de l’école et de la médecine portées par Ivan Illich, en tant qu’institutions totalitaires s’octroyant abusivement une mainmise croissante sur tous les aspects, y compris les plus privés, de l’éducation et de la santé, ou encore en étendant à nos sociétés obèses et asservies par l’hybris technophile l’idée commune inaugurée par Galilée, selon qui « le monde ne saurait être invariant par changement d’échelle » : nous ne pouvons augmenter, densifier, accélérer, façonner et transformer indéfiniment notre milieu naturel et social sans perdre la juste taille d’échelle à laquelle ce milieu, dont nous sommes tributaires, reste viable pour nous — voilà donc quelqu’un, disais-je, qui refuse pourtant, par pur conformisme et soumission au catéchisme de l’époque, d’en tirer toutes les conséquences, notamment quant aux excès de l’activisme — vouloir à tout prix des hommes enceints, n’est-ce pourtant pas l’hybris par excellence ? Re-bref : il me semble que ce n’était pas ça qu’initialement j’étais venu vous raconter ; mais qu’est-ce que j’étais venu vous raconter, au juste ?
Continue ReadingCes invraisemblables brouillaminis
Au sujets des multiples digressions qu’il entortille gaiement dans La Vie et les opinions de Tristram Shandy, Laurence Sterne écrit quelque part dans le volume VIII :
« Ne dirait-on pas que je prends plaisir à me jeter dans ces invraisemblables brouillaminis uniquement pour découvrir par quels moyens inédits je réussirai à en sortir ! » 1