Lire les romans-monstre : Terra Nostra, de Carlos Fuentes

Caractères

5 février 2021

Je reproduis ici les premiers paragraphes d’un article à découvrir dans son intégralité sur le site du magazine littéraire et culturel Pro/p(r)ose Magazine qui a eu l’amabilité de m’accueillir en ses colonnes. Il s’agit de ma lecture de Terra Nostra, roman titanesque du mexicain Carlos Fuentes.

Carlos Fuentes

Chaque été pour les vacances, j’ai pris l’habitude depuis quelques années d’emporter à lire l’un de ces romans qui, par leur ampleur, leur ambition narrative et leurs expérimentations stylistiques, ont fait date. On pense bien sûr immédiatement à Don Quichotte, à La Recherche, à Ulysse ou aux Frères Karamazov. Selon ces critères, je lus l’été dernier le premier tome de l’Homme sans qualités (dont le second tome, inachevé et fragmentaire, me reste encore à gravir), l’été d’avant Au-dessous du Volcan (court par rapport aux autres, mais redoutable), encore avant Tristram Shandy, etc. Tous romans-monde, ou romans-monstre.

Cette année, c’est tombé sur Terra Nostra de Carlos Fuentes (paru initialement en 1975, deux tomes en poche comptant presque 1300 pages, dans la remarquable traduction de Céline Zins), mexicain né au Panama en 1928, mort en 2012, appartenant à la lignée des écrivains-diplomates — il fut ambassadeur du Mexique à Paris notamment — auteur prolifique et penseur anti-impérialiste ; figure de proue du boom littéraire hispano-américain, et de son apparentement au réalisme magique, avec Juan Rulfo (le précurseur), Gabriel García Márquez (l’emblématique), Jorge Luis Borges (le patriarche), Mario Vargas-Llosa, Julio Cortázar, Miguel Ángel Asturias et bien d’autres. On lui doit, entre autres romans mémorables, La Mort d’Artemio Cruz, fresque rétrospective du 20ème siècle mexicain à travers les souvenirs, livrés sur son lit de mort, de l’homme d’affaires éponyme, richissime, ayant participé à la révolution des années vingt, puis ayant activement œuvré à son dévoiement, sa corruption, sa conversion insidieuse en une oligarchie rapace, une dictature invisible à la mainmise indéboulonnable orchestrée par le Parti Révolutionnaire Institutionnel — délicieux oxymore ! — qui a gouverné le pays sans partage jusqu’en l’an 2000. Fuentes y déploie un art de la narration qui rappelle la manière du conteur péruvien Mario Vargas-Llosa, tout en dévoilements progressifs, dissipant peu à peu les ellipses du récit pour embrasser un panorama vertigineux.

Terra Nostra, donc, morceau de bravoure, inrésumable…

Last modified: 5 février 2021