Étonnant comme mes deux collègues se trouvent démunis devant l’hypothèse, entretenue le temps d’une conversation histoire de parler, de ne plus avoir à travailler, à consacrer tous leurs jours à une cause hétéronome, en quelque sorte et bien qu’ils s’en défendent : subie. Que feraient-ils de tout ce temps libre ? Ils s’emmerderaient à mourir de ne pas avoir à gagner leur vie, dans le grand vide du face à face avec soi-même. Pour ma part, je leur affirme que je trouverais sans problème à m’occuper, sans préciser comment, ce qui semble les intriguer, mais peut-être que je triche : c’est bien une manière de travail, quoique gratuite, que l’écriture. Et peut-être triché-je doublement : si je n’avais plus à gagner ma vie, et donc à lutter pour enchâsser l’écriture au forceps dans de rares interstices, ne me sentirais-je pas désœuvré moi aussi, tiraillé par cette culpabilité qu’on nous inculque ?
Last modified: 25 janvier 2023