Ces invraisemblables brouillaminis
Au sujets des multiples digressions qu’il entortille gaiement dans La Vie et les opinions de Tristram Shandy, Laurence Sterne écrit quelque part dans le volume VIII :
« Ne dirait-on pas que je prends plaisir à me jeter dans ces invraisemblables brouillaminis uniquement pour découvrir par quels moyens inédits je réussirai à en sortir ! » 1
Encéphalogramme plat
Mauvaise fréquentation
Devant son laptop, l’écrivain maudit fulmine. Les statistiques de fréquentation de son blog ne décollent pas de zéro. Maudits bugs informatiques !
Bourre-pif
Je lis quelque part que les « formations à la création littéraire » en université constituent désormais un « marché très concurrentiel », inversement donc au marché du bon livre, où la concurrence est rabougrie : faut-il y voir la cause de l’effet ?
La langue bodybuildée
Mon côté trop terre à terre me fait répugner à l’usage des mots-slogans de la novlangue digitale qui pour moi ne veulent rien dire. Dire draft pour brouillon, ou même ébauche, et template pour modèle, voir du design, de la data et du creative partout, et mille autres exemples encore de simagrées qui infestent désormais la langue, tout cela revient à gonfler à l’hélium des idées plates, leur donner un tour bionique pour les rendre sur-signifiantes, porteuses d’une valeur ajoutée purement imaginaire, par là même inaccessible au non initié.
Penser trop
Vu ce titre dans le métro, entre les mains d’une lectrice absorbée : Je pense trop.
Un sous-titre mêlant jargons du coach et du plombier — Comment canaliser ce mental envahissant ? — précise l’argument commercial : un livre qui, à défaut de vous débarrasser de vos soucis, prétend vous apprendre à ne pas les ressasser.
Par endroits
À la montagne
Urgemment inspiré face au lac de montagne en son écrin fabuleux, l’écrivain maudit composerait bien une élégie déchirante.
Puis enfin se ressaisit : il n’y pense pas ! Cela fait au moins dix ans qu’il a passé l’âge romantique.
Découdre la langue
Est suspecte une maison d’édition qui convoque pour décrire sa ligne des géants par ailleurs tout à fait absents de son catalogue. L’une par exemple se réclame sans rire de Kafka, de Musil, de Gombrowicz, et même d’auteurs vivants, comme Chevillard, qu’elle ne publie pourtant pas. Comble du vice, elle glisse dans le tas les noms de quelques uns de ses poulains, comme on fourgue une vieille camelote sous emballage pimpant, ni vu ni connu j’t’embrouille.
Professeur d’émancipation (2)
Le philosophe humaniste professait l’émancipation au peuple dont pourtant il redoutait par-dessus tout qu’il fît effectivement sa loi, tellement pauvre, sale et bête. Heureusement qu’il y a loin, pensait-il en séchant une sueur froide contre sa tempe délicate, de la théorie à la pratique.
Rêves d’ambition
Pauvres fous
L’écrivain maudit observe attentivement ses collègues : tout dans leur attitude trahit leur parfaite ignorance du fait qu’ils côtoient quotidiennement un génie littéraire. L’écrivain maudit rit sous cape de tant de naïveté.
