La blessure Tag Archive
Cercueil supraconducteur
Le besoin de savoir l’emportant sur ma hantise des médecins et des examens, alerté aussi par un nouveau symptôme en la personne d’un fourmillement intempestif au niveau du pouce et de l’index droits, je m’en fus consulter à mon retour de vacances avec, à la clé, la confirmation d’une suspicion de névralgie cervicobrachiale et la prescription subséquente de séances de kiné — le thérapeute très bonhomme chez qui j’allai mit vite en cause ma posture au travail, en quoi il n’avait pas complètement tort : fini donc non seulement de travailler avachi dans le fond de mon fauteuil au bureau, mais fini aussi d’écrire avachi, mon ordi sur les genoux, dans le fond de mon canapé à la maison le soir, la pratique de la littérature, même occulte, s’avérant en l’occurrence non exempte de tout danger physique ; en bon élève j’acquis illico clavier et souris sans fil plus un support pour surélever mon laptop jusqu’à la hauteur de mes yeux, le tout formant ainsi une station informatique à l’ergonomie optimale dont je dois avouer n’être pas peu fier — ainsi que, par acquit de conscience, d’une IRM pour dépister une éventuelle hernie discale (cette dernière pouvant, comme je l’avais lu, causer la névralgie, ainsi que je l’indiquai à la jeune interne qui remplaçait ce jour-là mon médecin traitant, lui rapportant mes anxieuses recherches en ligne ; bien sûr je ne lui apprenais rien, même si elle me trouva sans doute un brin catastrophiste).
Continue ReadingUne foule reste une foule
Arrivée à La Baule durant un week-end de grande affluence. Entrée du pont de Saint-Nazaire bouchée, d’autant plus embouteillée pour nous que j’ai suivi les prescriptions de Waze qui m’a dérouté vers un de ces itinéraires alternatifs foireux dont il a le secret, où tous les petits malins comme moi sont allés s’empaler comme un seul homme, persuadés de se soustraire habilement aux bouchons (n’ai-je pas adressé en pensée quelque chose comme « So long, losers ! » à tous les véhicules à l’arrêt tandis que je m’échappais in extremis via une bretelle ex machina ?), s’embourbant finalement dix fois plus que s’ils avaient sagement pris leur mal en patience via l’itinéraire standard, congestionnant subitement toutes les rues auparavant tranquilles d’un quartier résidentiel sans histoires, où se mêlent dès lors aux fumées des barbecues familiaux les fumées des pots d’échappement. Comme quoi certains types de casse-tête excèdent encore les capacités de l’intelligence artificielle (dont je ne doute pas que Waze y ait recours d’une manière ou d’une autre) : comment faire en effet pour que le calculateur, piètre prophète en l’occurrence, n’accuse pas toujours un temps de retard sur l’insondable libre arbitre des automobilistes, agrégés en flux dynamiques dont l’écoulement semble impossible à anticiper ? Ou peut-être est-ce tout simplement qu’une foule, par où qu’on la fasse passer, reste une foule ?
Continue ReadingLe gros orteil du pied droit
Même mort, il pince encore ce crabe dont j’attaquai si maladroitement la carapace au casse-noix que je m’en fichai un éclat dans le pouce.
Continue ReadingDu grabuge à l’Épine
En paix
Un transat
Un parasol et son ombre
Le petit théâtre du jardin
La caresse mâtinée de chaleur et de vent
Le friselis de maracas des feuillages
L’ivre zigzag d’un papillon blanc
Le frôlement anonyme des bourdons
Pur ciel, lumière or, radieux silence
En lequel parfois se niche
Le rire de mon enfant.
Ménage avec mon corps
« J’avais toute ma vie fait bon ménage avec mon corps ; j’avais implicitement compté sur sa docilité, sur sa force. Cette étroite alliance commençait à se dissoudre ; mon corps cessait de ne faire qu’un avec ma volonté, avec mon esprit, avec ce qu’il faut bien, maladroitement, que j’appelle mon âme ; le camarade intelligent d’autrefois n’était plus qu’un esclave qui rechigne à sa tâche. »
(Extrait des Mémoires d’Hadrien, de Marguerite Yourcenar)
Continue ReadingImaginer le pire
La persistance de la douleur m’a bien forcé à réagir. J’ai préféré ne pas envisager tout de suite le vilain mot de « blessure » — au sens d’un endommagement durable qui d’abord ne se remettrait pas de lui-même, qui oblitérerait ensuite ma capacité d’agir, mettrait surtout mon intégrité physique, ma santé donc, en péril, non sans un risque qui plus est d’aggravation — mais plutôt quelque déséquilibre superficiel, quelque nerf malencontreusement tourmenté, quelque muscle à la fibre un peu tiraillée, et j’ai volontiers cru qu’y suffirait un bon massage, ou du moins une rapide remise en ordre manuelle, attitude où entrait une bonne part de déni et qui me conduisit en premier lieu chez l’ostéopathe que m’avait recommandé ma compagne, bien plus au fait de ces matières que moi, soit un type de médecine alternatif, comme on dit, et controversé, à propos duquel je n’ai ni connaissances ni donc d’avis, qu’il s’agisse d’en chanter les miraculeux mérites ou de hurler au charlatanisme crapuleux.
Continue ReadingMe voilà déglingué
Dès lors, symptômes persistants. Épaule vulnérable, amoindrie ; l’élancement vif dans le haut du bras se manifeste à certains gestes, dans certaines postures, j’apprends le répertoire des douleurs, à reconnaître ses figures, pour mieux les contourner, ou au contraire, les tester et sentir la limite à partir de laquelle le mal se manifeste.
Continue ReadingCoup de grâce à ma carcasse
Mais il suffit de traverser la pointe de l’île (île qui se présente en deux parties : une fine bande de terre — que rattache au continent un pont à double voie, mais aussi à mi-temps la mince et limoneuse (et pittoresque) chaussée du Gois, raccourci latéral submergé à marée haute —, soit le manche, le long duquel on ne fait que passer, prolongé par la tête, où l’on peut s’arrêter, pour avoir mis tout ce qu’on pouvait de distance entre le continent et soi) depuis notre havre d’air iodé au sud-ouest, vers Noirmoutier-en-l’île au nord-est, longeant par la voie cyclable des marais salants où s’édifient quelques curieux (ça change de la plage), pour pénétrer une atmosphère plus lourde (la chaleur aide, aussi, ce jour-là), sentir s’abattre sur soi la chape des vapeurs émanant de la route à moteurs, parallèle désormais à notre voie, de moins en moins préservée à l’approche du bled d’où déferlent en sens opposé des ribambelles de cyclistes branlants et débraillés. Cette atmosphère plus lourde, cette poisse saveur hydrocarbure, c’est celle du tourisme de masse (aussi modeste soit ici son échelle) dont nous paraît d’emblée caractéristique la rue centrale, piétonne et marchande, vers où convergent tous les ennuis, par vagues de badauds, à l’heure suffocante que devrait seule occuper la sieste ; l’ennui qui arpente la rue marchande en long en large et en travers ; l’ennui en marcel et en claquettes qui se nourrit de lèche-vitrine (ça change du mall). Cette vision nous fait rebrousser chemin, sans même avoir poussé jusqu’à la plage des Dames, belle dans mon souvenir, mais aussi très prisée et malheureusement à portée de camping.
Continue ReadingAh, parlons-en, du torticolis !
Un sas de désensablement équipant tout hébergement d’un littoral dévolu à la baignade, formant goulot d’étranglement à l’entrée du domicile : on ne mettrait pas un pied chez soi sans être passé dedans. Une hotte aspirante ultra puissante avalerait, sans qu’on ait même besoin de se déshabiller puisque son souffle irrésistible s’immiscerait entre les plus étroites fibres, jusqu’au dernier grain de sable d’entre les orteils ou depuis la poche du maillot.
Continue ReadingAu marché nocturne
L’Épine, village sans histoires, architecture d’Épinal, maisons basses, blanches et volets bleus, quadrillage tortueux, toutes les routes, étroites, menant aux pinèdes aboutissant aux plages, eau claire et sable fin, tout à fait, liseré d’algues authentique, pourlèchement élastique jouant dans l’amplitude des marées, borné ça et là par des rochers formant digue.
Continue Reading