Caractères Hautement subjectifs
Des bidules aussi durables que possible
Ce qui est merveilleux de nos jours, c’est qu’on peut se demander en se grattant le menton « mais qu’en est-il vraiment de ces fameux stades climatisés ? », débouler l’instant d’après sur ici.radio-canada.ca, rubrique sport (allez savoir pourquoi j’ai préféré Radio Canada à Ouest France qui a pourtant eu la bonté de me proposer le même article au mot prêt), lire un maigre entrefilet, rédigé d’une plume sans doute asséchée déjà à la seule idée des rigueurs du désert, une sorte de communiqué laconique dont on ne sait s’il est repris tel quel de l’AFP crédité en chapô ou du Ministère qatarien, s’il a été écrit par un stagiaire ou un robot, le lire donc et conclure, soulagé
Continue ReadingWorld-renowned human behaviour expert
J’ai beau chercher, pas moyen de remettre la main (en l’occurrence les yeux) sur cette pub édifiante aperçue sur Youtube, où ce world-renowned human behaviour expert nous explique, avec son débit bodybuildé, que les gens passent en moyenne trois heures par jour à procrastiner, ce qui représente 1095 heures par an, ces 1095 heures s’additionnant année après année pour finir par représenter, au cours d’une vie, un temps perdu considérable, lui-même équivalant à un montant faramineux, chiffré en millions de dollars, perdus donc eux aussi — et c’est notamment pour retrouver le taux de conversion entre heures et dollars, autrement dit le cours (boursier) du temps, et savoir ce que me coûte mon temps perdu, notamment celui passé à rechercher cette pub, que j’aurais voulu revoir celle-ci — raison pour laquelle ce world-renowned human behaviour expert a développé une méthode révolutionnaire nous permettant de ne plus jamais procrastiner, et de rendre rentable chaque seconde de notre vie (l’histoire ne dit pas si nous pouvons aussi rentabiliser notre sommeil). Pourquoi ne peut-on donc pas retrouver une pub qu’on vient de voir sur Youtube ? Surgir inopinément quand on s’apprête à regarder tout autre chose, ça oui, elles ne s’en privent pas, mais pourquoi ne sont-elles pas aussi stockées et dûment répertoriées quelque part, les pubs, si par exemple l’envie nous prend de les revoir après coup ? Est-ce à dire qu’elles ne produisent l’effet voulu qu’à la condition de nous sauter à la figure par surprise ? Combien de vidéos introduites par une pub aléatoire faudrait-il que je lance sur Youtube, et donc combien de temps et d’argent faudrait-il que je perde encore, pour que le hasard me fasse retomber sur la pub qui m’intéresse ? Dommage, car si je pouvais retrouver cette fameuse pub, et noter le taux de conversion entre heures et dollars, si donc je connaissais le cours (boursier) du temps selon le world-renowned human behaviour expert, je pourrais vous dire, au moment même où vous achèveriez de lire ce petit texte (ou plutôt celui, fatalement différent, que j’aurais commis si j’avais pu la retrouver), combien vous me devez. À cet endroit même — · — je vous présenterais donc l’addition.
Continue ReadingSous l’empire des protocoles
Qui se dit « au bout de sa vie » à tout propos, puisse-t-il justement y arriver pour de bon, « au bout de sa vie », à l’instant même où il prétend s’y trouver — par combustion spontanée par exemple.
Continue ReadingDécor de rêve
Solénoïde, de Mircea Cărtărescu. De ces livres qui vous font forte impression : me plonge dans la mélancolie et me décourage d’écrire.
Continue ReadingÔ oiseaux majestueux !
Impériales au cœur de la béance, leur bec pivote avec grâce dans le prolongement d’un cou géant. À l’oeil nu, on devine les croisillons des côtes peuplant un bréchet musculeux, et tous leurs tendons qui frémissent dans l’effort. D’un cri nasillard, perçant aux premières lueurs de l’aube, elles s’éveillent, ô oiseaux majestueux !
Continue ReadingDeuxième cerveau
L’intestin grêle aussi a ses giboulées intempestives…
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On dit de notre système digestif qu’il est notre deuxième cerveau : que ne l’intervertit-on avec le premier ? Quiconque n’aurait plus alors qu’à ingurgiter des livres pour devenir érudit.
Continue ReadingLire les romans-monstre : Terra Nostra, de Carlos Fuentes
Je reproduis ici les premiers paragraphes d’un article à découvrir dans son intégralité sur le site du magazine littéraire et culturel Pro/p(r)ose Magazine qui a eu l’amabilité de m’accueillir en ses colonnes. Il s’agit de ma lecture de Terra Nostra, roman titanesque du mexicain Carlos Fuentes.
Continue ReadingDeuxième vague (Partie 4)
Démunis, on s’en remit à la science qui saurait bien nous tirer d’affaires par un tour de passe-passe dont elle aurait le secret. Le profane se réveille un beau matin pour voir la nouvelle tomber du journal, et il est déjà prêt à faire la queue : on a breveté un vaccin, un traitement d’huiles essentielles, une combinaison en plexiglas (Hygiaphone en option) ; n’importe quoi, la bombe atomique s’il le faut, pourvu que tout redevienne comme avant.
Deuxième vague (Partie 3)
Bien sûr, des masques, on s’en pouvait aussi coudre à domicile dans son tissu fantaisie préféré, Spiderman ou Reine des neiges, à condition d’être calé en couture — ainsi qu’en normes d’hygiène certifiées par l’AFNOR. C’était toujours l’occasion de voir quelque tutoriel en ligne, pour qui aime la patine exotique. Le tout étant qu’on le porte partout, tout le temps, son masque, sur le Mont Blanc et dans le désert, au fond des océans, à la selle et dans son lit, sans jamais se palper le visage, ce geste incontinent qui nous prend deux cent soixante-trois fois par jour.
Deuxième vague (Partie 2)
Après application du gel, on doit encore fermer le flacon, donc tripoter le bouchon : qui pourra me garantir que cette surface est saine ? N’est-ce pas jouer avec le feu ? — ce qui, soit dit en passant, n’en ferait rien de moins qu’un cocktail Molotov… Ne vaut-il pas mieux prévoir un deuxième flacon, pour se désinfecter du premier, puis un troisième, pour se désinfecter du deuxième, et ainsi de suite, de sorte que l’hypocondriaque connaîtrait les vertiges de l’infini dès la moindre poignée de porte ?