M’inventer un état civil
Ceci n’est pas un journal, non, pas la peine d’insister : je n’y détaillerai pas par le menu mon déjeuner du jour. Ni mon humeur, car ce serait lâcher trop d’indices déjà : serait-elle massacrante que vous pourriez en inférer une digestion laborieuse, qu’obstruent des mets trop gras. Une fondue savoyarde, peut-être, ou un aligot saucisse, hasarderez-vous, quelque chose à coup sûr me reste sur l’estomac, m’embouteille la bile pour me rendre à ce point irritable, et bouffir ainsi ma phrase de suif…
Continue ReadingLa première phrase qui me passe par la tête
Ceci n’est pas un journal. Oh que non ! Juste des phrases qui me passent par la tête, et que je couche sur le papier.
Continue ReadingL’écrivain maudit travaille à sa postérité
Même quand, passablement courroucé, il invective par e-mail un quelconque service client — celui d’Ikea par exemple, pour lui réclamer les pièces forcément manquant (il ne voit pas d’autre explication) à sa bibliothèque BILLY sur le rayonnage de laquelle il se réjouissait d’avance de classer ses auteurs préférés par ordre alphabétique (ou par genre, ou par pays, ou par format, la question reste en suspens), excluant d’ailleurs peut-être un peu vite qu’il l’ait tout simplement montée de traviole, ce qu’accréditerait plutôt l’inclinaison fâcheusement oblique du meuble obtenu — l’écrivain maudit s’interdit de lésiner sur les fioritures lyriques, soucieux de déployer en toute occasion des trésors d’inventivité littéraire, en prévision de la publication posthume de sa correspondance privée.
Continue ReadingL’écrivain maudit a de la concurrence
Un beau matin, l’écrivain maudit s’aperçoit que la concurrence est rude : il voit d’autres écrivains maudits partout, qui comme lui s’apitoient à chaudes larmes sur leur propre sort.
Continue ReadingÀ propos de L’Architecture
Si l’on voulait schématiser à l’excès — et Dieu sait s’il est délicat de le faire au sujet d’un tel livre — on pourrait tenir cette ambition exprimée à la page 103 : « écrire une autre langue dans sa langue » pour la meilleure synthèse du projet littéraire, éminemment stylisé, de Marien Defalvard. Sous l’étiquette de « roman » inscrite en couverture, puisqu’il a bien fallu que l’éditeur se raccroche à quelque catégorie identificatoire à l’attention de ses clients, on a bien plutôt affaire à une ondoyante méditation poétique, spirituelle, topographique, qu’encombreraient presque les minces repères censément narratifs noyés dans le flux introspectif du narrateur, faux double prétexte de l’auteur.
Continue ReadingDu souvenir comme apprentissage
Comment appréhender le phénomène du souvenir sans l’envisager comme résultant d’une empreinte laissée dans l’esprit, d’une trace profondément, quasi matériellement, inscrite dans l’âme ? Voyons d’abord le souvenir comme la remémoration d’une expérience. Lorsqu’elle a lieu, cette expérience apporte du neuf au répertoire de notre vécu, c’est-à-dire, si l’on tente de s’affranchir du registre de l’impression, que l’expérience nous fait ajouter de nouvelles ressources au périmètre des choses que nous pouvons exprimer, soit aux jeux de langage dont nous maîtrisons la logique.
Continue ReadingAlbum auguste
Une roulotte immobile au départ d’une halte
De pluie criblé l’abri crépite
Au voisinage du tonnerre
Torrents enrobent une coquille
C’est l’antichambre d’un pays
Brigade gastronomique
Pour peu que la maréchaussée qui inspecte vos codes-barres à la terrasse des restaurants ait bien potassé par ailleurs ses émissions de télé-réalité culinaire, elle pourra également évaluer la qualité de votre « dégustation » et faire la critique savante de votre assiette.
Continue ReadingLe jour où je suis devenu cafetier
Fin de matinée. Alors que tout le monde est en balade, je somnole paisiblement au creux de l’alcôve du rez-de-chaussée comme un dimanche à la campagne. Trois coups subits sont frappés à la porte. Pris au dépourvu je sursaute et m’extirpe hâtivement du réduit tandis que déjà furètent deux yeux curieux sur un nez effilé à travers les carreaux. Le type m’est inconnu. Quel culot de fouiner ainsi chez moi, ai-je à peine le temps de penser qu’il ouvre carrément la porte sans attendre, et le voilà jaillissant à l’intérieur qui s’adresse crânement à moi comme un diable sur ressort sautant d’une boîte. Je crois avoir la berlue.
Continue Reading