Cantique du dispositif
Lisant Niels Bohr et la physique quantique, un ouvrage de vulgarisation écrit par le physicien François Lurçat (mort en 2012, et dont la fiche Wikipédia m’apprend qu’il a momentanément soutenu le maoïsme dans les années 70, et je me demande ce que tous ces gens intelligents pouvaient bien trouver à Mao, mais je m’égare…), je repense à un autre livre, de philosophie cette fois, lu quelques années auparavant, qui m’avait alors impressionné par sa virtuosité conceptuelle et l’acuité de son diagnostic au sujet, disons, de la révolution technicienne du 20e siècle, un livre dont la lecture m’avait coûté bien des efforts : Approche de la criticité, de Jean Vioulac. Je me suis souvenu, en lisant Niels Bohr et la physique quantique, que Vioulac formulait certaines thèses frappantes relatives justement aux conséquences de l’émergence du paradigme quantique, sous la houlette de Bohr, Heisenberg, Schrödinger et consorts.
Continue ReadingLa proposition ¬J est vraie si et seulement si…
Ceci n’est pas un journal, ni un contre-journal, ni, on l’aura compris, un anti-journal. Ce pourrait donc être : un non-journal.
Continue ReadingCe que l’antimatière est à la matière
Ceci n’est pas un journal, ni, comme on l’a vu, un contre-journal, mais pourrait bien être alors un anti-journal, être au journal ce que l’antimatière est à la matière, composé de particules en quelque sorte opposées à celles de ce que pourrait être mon journal, soit le journal d’un anti-moi-même. Par exemple, moi qui n’aime pas les salsifis, dans mon anti-journal je pourrais raconter que j’en raffole, que je m’en gave par plâtrées, et même que j’y mélange des asperges (je déteste ces dernières tout autant, rien que d’en écrire le nom me secoue de spasmes).
Continue ReadingUn droit de réponse hostile à ma version des faits
Ceci n’est pas un journal, et j’envisage plusieurs moyens d’y parvenir. Un contre-journal d’abord, non pas contre le journal en général comme genre — pirouette par trop paresseuse, à peine une galipette — mais contre le mien en particulier, sous la forme d’un droit de réponse hostile à ma version des faits, un arsenal d’objections au libre cours de ma subjectivité, un réquisitoire implacable auquel contribueraient non seulement l’inconnu croisant avec moi le fer à l’improviste — j’aurais beau jurer que ce chauffard n’a pas marqué le stop, il irait raconter partout que j’ai grillé un feu —, l’ami perdu s’adjugeant le beau rôle dans nos vieilles brouilles, ma mère à qui je n’ai pas téléphoné depuis au moins trois semaines et ma compagne qui, au train quotidien où elle les fréquente, a la primeur autant que l’endurance de mes travers ; non seulement donc mes connaissances et mon entourage, ma famille et mon foyer, mais aussi toutes les synthèses exaspérées par ma vindicte littéraire, le Capital, la Bureaucratie, les Médias et la Technique, la Société entière venue témoigner à charge de ma coopération coupable avec son système.
Continue ReadingM’inventer un état civil
Ceci n’est pas un journal, non, pas la peine d’insister : je n’y détaillerai pas par le menu mon déjeuner du jour. Ni mon humeur, car ce serait lâcher trop d’indices déjà : serait-elle massacrante que vous pourriez en inférer une digestion laborieuse, qu’obstruent des mets trop gras. Une fondue savoyarde, peut-être, ou un aligot saucisse, hasarderez-vous, quelque chose à coup sûr me reste sur l’estomac, m’embouteille la bile pour me rendre à ce point irritable, et bouffir ainsi ma phrase de suif…
Continue ReadingLa première phrase qui me passe par la tête
Ceci n’est pas un journal. Oh que non ! Juste des phrases qui me passent par la tête, et que je couche sur le papier.
Continue ReadingL’écrivain maudit travaille à sa postérité
Même quand, passablement courroucé, il invective par e-mail un quelconque service client — celui d’Ikea par exemple, pour lui réclamer les pièces forcément manquant (il ne voit pas d’autre explication) à sa bibliothèque BILLY sur le rayonnage de laquelle il se réjouissait d’avance de classer ses auteurs préférés par ordre alphabétique (ou par genre, ou par pays, ou par format, la question reste en suspens), excluant d’ailleurs peut-être un peu vite qu’il l’ait tout simplement montée de traviole, ce qu’accréditerait plutôt l’inclinaison fâcheusement oblique du meuble obtenu — l’écrivain maudit s’interdit de lésiner sur les fioritures lyriques, soucieux de déployer en toute occasion des trésors d’inventivité littéraire, en prévision de la publication posthume de sa correspondance privée.
Continue ReadingL’écrivain maudit a de la concurrence
Un beau matin, l’écrivain maudit s’aperçoit que la concurrence est rude : il voit d’autres écrivains maudits partout, qui comme lui s’apitoient à chaudes larmes sur leur propre sort.
Continue ReadingÀ propos de L’Architecture
Si l’on voulait schématiser à l’excès — et Dieu sait s’il est délicat de le faire au sujet d’un tel livre — on pourrait tenir cette ambition exprimée à la page 103 : « écrire une autre langue dans sa langue » pour la meilleure synthèse du projet littéraire, éminemment stylisé, de Marien Defalvard. Sous l’étiquette de « roman » inscrite en couverture, puisqu’il a bien fallu que l’éditeur se raccroche à quelque catégorie identificatoire à l’attention de ses clients, on a bien plutôt affaire à une ondoyante méditation poétique, spirituelle, topographique, qu’encombreraient presque les minces repères censément narratifs noyés dans le flux introspectif du narrateur, faux double prétexte de l’auteur.
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