À la recherche d'une forme Tag Archive

Tant d’idées qui s’effilochent

Nouveaux fragments 3

Tant d’idées, tant d’envies d’écrire me viennent qui s’effilochent ensuite à mesure que le temps passe sans que je puisse trouver l’espace, ni l’énergie qui m’est impitoyablement aspirée par le monde, pour leur donner corps. Plus jeune, je me souviens, je mettais un point d’honneur à mener à leur terme toutes mes idées, c’est dans mon caractère d’achever tout ce que je commence (ainsi ne me suis-je autorisé que tardivement à ne pas lire en entier tous les livres…), au forceps s’il le faut pour le meilleur et pour le pire, mais autant à l’époque j’aurais peut-être parfois dû m’abstenir de faire feu de toute inspiration — au fond qui sait, puisqu’alors personne non plus ne me lisait ? —, autant j’aimerais aujourd’hui pouvoir allumer plus souvent la mèche… Vampirisé par tant d’obligations, j’erre souvent sans but sur Internet plutôt que de me mettre au travail, le soir après vingt et une heures, une fois conclu le marathon du jour, enfin rendu certes à moi-même, mais sans force ni l’horizon dégagé que requiert l’immersion littéraire.

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À la recherche d'une forme

2 décembre 2023

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Qui le dira, si ce n’est moi ?

Nouveaux fragments 2

J’étouffe de patauger dans la médiocrité, oui, et je crois mériter mieux. Mieux pour ma vocation littéraire, mort-née depuis près de vingt ans que j’écris, non pas morte pour moi qui la maintiens vive en mon royaume, qui la poursuis de mon obsession pugnace — quand des amis me demandent de loin en loin si j’écris toujours, je leur réponds toujours : « jusqu’à ce que mort s’ensuive » — mais mort-née du côté du public, parce que l’infâme et moutonnier sérail ne m’a jamais donné ma chance, que je ne jouis pas de la moindre reconnaissance — je dirais même : existence —, et parce que je sais pourtant valoir tellement mieux — au diable la modestie : qui le dira, si ce n’est moi ? — mais quelle chance a-t-on dans cette vie de vraiment trouver la place qui de droit pourtant nous revient ? Il doit même y avoir quelque part quelqu’un qui, la mienne, me l’a volée : qu’on me désigne l’usurpateur ! Je ne demande pourtant pas grand-chose, ni prix ni postérité garantie, seulement le loisir d’écrire mes livres, et une tribune pour les faire lire.

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À la recherche d'une forme

27 novembre 2023

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La voilà la vérité

Nouveaux fragments 1

« La voilà la vérité, j’étouffe de patauger dans la médiocrité ! » C’est en me répétant cette phrase que je me rendais l’autre matin à la station Corentin Celton, après avoir déposé mon fils aîné à l’école, ce qui me contraint à faire plusieurs fois par semaine un long détour à pied, traversant le parc Frédéric Pic puis longeant l’enceinte du parc du lycée Michelet, détour auquel je ne renoncerais pour rien au monde (enfin, j’exagère à peine, je dois bien pouvoir trouver quelque chose…), du fait du répit solitaire qu’il m’offre, si éphémère soit-il. Nos jambes et nos pieds sont là pour servir, bien qu’on s’ingénie à toujours plus nous les atrophier. Coïncidence étonnante, comme je l’ai alors consigné sur Twitter : tandis que la phrase me tournait dans la tête, j’ai entendu un type sous un abribus s’exclamer « Voilà la vérité ! » au téléphone, juste au moment où je passais à son niveau.

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À la recherche d'une forme

24 novembre 2023

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Les Mouettes

Quatre nages

Lire la première partie

2014 : première inscription en club de natation amateur aux Mouettes de Paris, dans le 19ème. Des forcenés ; les entraîneurs comme les entraînés. Les premiers, quasi des sergents instructeurs avec des biscotos larges comme ma cuisse (le plus musclé d’entre eux était aussi le plus idiot, comme quoi ces deux grandeurs-là ont finalement peut-être entre elles quelque proportionnalité). Sévissant un temps à Pailleron, bassin de trente-trois mètres pour faire durer le plaisir (on n’en voit pas le bout), puis à Georges Hermant, cinquante mètres, heureusement divisé en deux (sauf pendant les semaines de vacances scolaires, que je redoutais pour cette raison ; et quel plaisir pourtant, quelle glissade, comprendrais-je aussi bientôt, d’aligner cinquante mètres d’une traite, quand on a la cadence).

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À la recherche d'une forme

31 janvier 2023

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Papillon

Quatre nages

La nage papillon, telle que la pratique l’amateur, ressemble plutôt à s’y méprendre à celle du crapaud cul-de-jatte qu’empoisserait une flaque de pétrole.

Du papillon, on ne reconnaît à la rigueur que l’enfance larvaire et sa laborieuse reptation, quand il était encore chenille.

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À la recherche d'une forme

25 janvier 2023

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Les écrivains pourraient s’introduire en bourse

13/01/23

Les écrivains pourraient s’introduire en bourse, moyennant une levée de fonds ; enfin cotés, ils se tireraient la bourre comme des Sociétés Anonymes. Autant d’actions mises en circulation que d’exemplaires imprimés des œuvres, à répartir entre pléthore d’actionnaires, du petit porteur, simple amateur de boursicotage, jusqu’au trader à haute fréquence (à condition d’écouler tous les titres émis, sans quoi gare à ce que le cours ne chute). On acquerrait non seulement ses exemplaires, mais un droit de propriété sur une parcelle du capital littéraire, à faire fructifier à long terme (peut-être pourrait-on même se rendre maître d’un orteil, d’un mollet ou d’une touffe de poils de l’auteur). 

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À la recherche d'une formeCaractères

17 janvier 2023

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Depuis un recoin de la littérature…

12/01/23

 À propos du Sanatorium au croque-mort de Bruno Schulz, traduction de Thérèse Douchy, Allan Kosko, Georges Sidre et Suzanne Arlet, dans la collection L’imaginaire de Gallimard

Difficile de résumer d’un mot le style de ces nouvelles de Bruno Schulz réunies sous le titre de la plus kafkaïenne d’entre elles, qui fait aussi penser au troublant roman du méconnu Hermann Kasack, La ville au-delà du fleuve, tant porteur de promesses d’ailleurs, celui-là, que sa fin laisse un peu le lecteur (en tout cas moi) sur sa faim, justement— à cause même peut-être de son twist, efficace mais banalisé depuis par Hollywood, presque convenu aux yeux des post-modernes épuisés que nous sommes (tel personnage qu’on croyait vivant (bien que très bizarrement vivant) depuis le début s’avère en fait mort, hantant une sorte de réalité parallèle).

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À la recherche d'une forme

13 janvier 2023

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Out of office

23/12/22

La tendance en matière de réponse automatique aux e-mails professionnels quand on part en vacances, c’est de ne surtout pas avouer dans le texte, même sous la torture, qu’on est justement « en congés », mot coupable à proscrire car laissant entendre, horresco referens, qu’on espère bien se la couler douce, aussi peu doux que soit par ailleurs dans les faits le fleuve intranquille, sans repos, et pour tout dire franchement tumultueux — il nous coule plus qu’on ne s’y coule — des vacances scolaires en famille ; non, le folklore corporate a préféré forger pour cette occasion particulière une formule absolument neutre, inattaquable, une convention minimaliste coupant court à toute interprétation, du moins théoriquement car en pratique personne n’est dupe, on préférera en tout cas écrire qu’on est « absent du bureau », « out of office » pour les plus internationaux et « OOO » pour l’élite des initiés, ce qui n’est pas, à l’ère de l’essor du télétravail, sans susciter d’ambigüités collatérales, puisque les jours où l’on télé-travaille, on n’est pas non plus présent physiquement au bureau, mais on ne se sent pas pour autant tenu de le signaler noir sur blanc dans toutes les communications dont on arrose collaborateurs et clients, du style « Bonjour, je vous écris présentement depuis le salon de mon appartement, veuillez trouver ci-joint un draft du kick-off pour l’on-boarding, belle journée », on se garde même bien de le préciser, qu’on est planqué chez soi en survêt’ plutôt qu’en première ligne au bureau, et dans ce sens finalement c’est cohérent, car de même que les gens n’ont pas à savoir qu’on est en vacances quand il leur suffit de savoir qu’on est absent du bureau, ils n’ont pas non plus à savoir qu’on est en survêt’ chez soi quand il leur suffit de savoir, par défaut, qu’on n’est pas absent du bureau, la présence au bureau figurant simplement là, par synecdoque interposée, les heures ouvrables, et non pas la présence palpable et irréfragable du corps du salarié — fût-il ailleurs en esprit, c’est un autre sujet — au sein des locaux de l’entreprise qui l’emploie.

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À la recherche d'une forme

23 décembre 2022

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Du diktat inerte des choses

20/12/22

Ce bric-à-brac qu’on amasse, comme il pèse lourd et nous cloue au sol, nous enlise en lui jusqu’au cou comme des sables mouvants. Diktat inerte — passif-agressif diraient les psychologues — des objets qui, jamais à leur place, toujours en travers, nous narguent et même assaillent nos pieds par la plante.

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À la recherche d'une formeCaractères

22 décembre 2022

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Critique de la vie quotidienne, et des télésièges

Curieux livre d’Henri Lefebvre, dont je m’étais promis de lire quelque chose depuis longtemps. Quand, comme j’ai l’habitude de le faire pour presque chacune de mes lectures, j’ai posté sa couv’ sur mon fil Twitter, 14 personnes l’ont « likée » et 4 l’ont « retweetée », dont deux qui ont ajouté un commentaire, du type poing levé et couteau entre les dents (bizarrement, pour une raison que j’ignore, je n’arrive plus à afficher lesdits commentaires, à l’heure où j’entame cette note. Leurs auteurs se seraient-ils rétractés depuis ?), statistiques qui disent un peu, à la modeste échelle de mon audience et toutes pincettes prises quant à leur très réduite représentativité, l’estime où est tenue cet auteur parmi un certain public (lequel, de public ? Sans doute un public un minimum averti en matière de marxisme, dont Lefebvre fut un éminent spécialiste).

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À la recherche d'une forme

9 avril 2022

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