À l’agence Tag Archive
Out of office
La tendance en matière de réponse automatique aux e-mails professionnels quand on part en vacances, c’est de ne surtout pas avouer dans le texte, même sous la torture, qu’on est justement « en congés », mot coupable à proscrire car laissant entendre, horresco referens, qu’on espère bien se la couler douce, aussi peu doux que soit par ailleurs dans les faits le fleuve intranquille, sans repos, et pour tout dire franchement tumultueux — il nous coule plus qu’on ne s’y coule — des vacances scolaires en famille ; non, le folklore corporate a préféré forger pour cette occasion particulière une formule absolument neutre, inattaquable, une convention minimaliste coupant court à toute interprétation, du moins théoriquement car en pratique personne n’est dupe, on préférera en tout cas écrire qu’on est « absent du bureau », « out of office » pour les plus internationaux et « OOO » pour l’élite des initiés, ce qui n’est pas, à l’ère de l’essor du télétravail, sans susciter d’ambigüités collatérales, puisque les jours où l’on télé-travaille, on n’est pas non plus présent physiquement au bureau, mais on ne se sent pas pour autant tenu de le signaler noir sur blanc dans toutes les communications dont on arrose collaborateurs et clients, du style « Bonjour, je vous écris présentement depuis le salon de mon appartement, veuillez trouver ci-joint un draft du kick-off pour l’on-boarding, belle journée », on se garde même bien de le préciser, qu’on est planqué chez soi en survêt’ plutôt qu’en première ligne au bureau, et dans ce sens finalement c’est cohérent, car de même que les gens n’ont pas à savoir qu’on est en vacances quand il leur suffit de savoir qu’on est absent du bureau, ils n’ont pas non plus à savoir qu’on est en survêt’ chez soi quand il leur suffit de savoir, par défaut, qu’on n’est pas absent du bureau, la présence au bureau figurant simplement là, par synecdoque interposée, les heures ouvrables, et non pas la présence palpable et irréfragable du corps du salarié — fût-il ailleurs en esprit, c’est un autre sujet — au sein des locaux de l’entreprise qui l’emploie.
Continue ReadingNoyer le poisson
Pour noyer le poisson me suis-je d’abord dit écrivons sans ponctuation comme je l’avais fait là mais pour une autre raison à savoir signifier l’urgence et le temps qui me fait défaut pour écrire temps qui me fait toujours autant défaut mais cette fois je cherche plutôt à noyer le poisson m’en allant vous entretenir de choses dont je ne devrais justement pas vous entretenir
Continue ReadingPetite histoire de ma syncope
C’est l’événement. L’Agence a invité tous ses clients (beaucoup ont décliné).
Continue ReadingÀ l’espace coworking, on fait tinter son badge à toutes les portes
À l’espace coworking, on fait tinter son badge à toutes les portes, bien cent fois par jour, dans une atmosphère de clim’ à vous enrouer la gorge, sauf quand la clim’ déraille, auquel cas la moiteur s’installe, épaisse, jusqu’à du moins ce qu’un technicien répare la clim’, et qu’on débarque un beau matin, affublé de manches courtes en prévision de la fournaise, dans un froid de pôle Nord. Dehors, sur la dalle parisienne surchauffée, il fait plus de 30°C, mais dedans, ce qu’il nous faudrait, c’est un bon vieux tricot.
Continue ReadingÉtonnant comme mes deux collègues se trouvent démunis
Étonnant comme mes deux collègues se trouvent démunis devant l’hypothèse, entretenue le temps d’une conversation histoire de parler, de ne plus avoir à travailler, à consacrer tous leurs jours à une cause hétéronome, en quelque sorte et bien qu’ils s’en défendent : subie. Que feraient-ils de tout ce temps libre ? Ils s’emmerderaient à mourir de ne pas avoir à gagner leur vie, dans le grand vide du face à face avec soi-même. Pour ma part, je leur affirme que je trouverais sans problème à m’occuper, sans préciser comment, ce qui semble les intriguer, mais peut-être que je triche : c’est bien une manière de travail, quoique gratuite, que l’écriture. Et peut-être triché-je doublement : si je n’avais plus à gagner ma vie, et donc à lutter pour enchâsser l’écriture au forceps dans de rares interstices, ne me sentirais-je pas désœuvré moi aussi, tiraillé par cette culpabilité qu’on nous inculque ?
Continue ReadingAujourd’hui, je me suis offert un petit plaisir
Aujourd’hui, je me suis offert un petit plaisir : j’ai aligné un client.
Je me le suis fait, l’ai fusillé d’une punchline définitive. J’aimerais pouvoir m’y adonner plus souvent, n’étaient mes obligations professionnelles. Si je pouvais me le permettre, j’en redresserais un par jour. Peut-être cela conserverait-il ma santé, comme la pomme quotidienne censée tenir à distance le docteur.
Continue ReadingAvec l’avènement à tout crin des réunions à distance
Avec l’avènement à tout crin des réunions à distance durant lesquelles, planqué derrière son ordi, chacun peut impunément s’occuper à autre chose sur une multitude d’onglets — d’autant plus qu’on peut couper sa caméra, ou son micro, ou mieux, si l’on ne craint pas trop d’avoir l’air goujat, les deux en même temps, ce qui fait alors de vous un pur mouchard, une présence absente qui ne donne prise à rien mais fait peser sur les autres la menace de son jugement noir et silencieux — surgit le paradoxe suivant :
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