À la recherche d’une forme
La proposition ¬J est vraie si et seulement si…
Ceci n’est pas un journal, ni un contre-journal, ni, on l’aura compris, un anti-journal. Ce pourrait donc être : un non-journal.
Continue ReadingCe que l’antimatière est à la matière
Ceci n’est pas un journal, ni, comme on l’a vu, un contre-journal, mais pourrait bien être alors un anti-journal, être au journal ce que l’antimatière est à la matière, composé de particules en quelque sorte opposées à celles de ce que pourrait être mon journal, soit le journal d’un anti-moi-même. Par exemple, moi qui n’aime pas les salsifis, dans mon anti-journal je pourrais raconter que j’en raffole, que je m’en gave par plâtrées, et même que j’y mélange des asperges (je déteste ces dernières tout autant, rien que d’en écrire le nom me secoue de spasmes).
Continue ReadingUn droit de réponse hostile à ma version des faits
Ceci n’est pas un journal, et j’envisage plusieurs moyens d’y parvenir. Un contre-journal d’abord, non pas contre le journal en général comme genre — pirouette par trop paresseuse, à peine une galipette — mais contre le mien en particulier, sous la forme d’un droit de réponse hostile à ma version des faits, un arsenal d’objections au libre cours de ma subjectivité, un réquisitoire implacable auquel contribueraient non seulement l’inconnu croisant avec moi le fer à l’improviste — j’aurais beau jurer que ce chauffard n’a pas marqué le stop, il irait raconter partout que j’ai grillé un feu —, l’ami perdu s’adjugeant le beau rôle dans nos vieilles brouilles, ma mère à qui je n’ai pas téléphoné depuis au moins trois semaines et ma compagne qui, au train quotidien où elle les fréquente, a la primeur autant que l’endurance de mes travers ; non seulement donc mes connaissances et mon entourage, ma famille et mon foyer, mais aussi toutes les synthèses exaspérées par ma vindicte littéraire, le Capital, la Bureaucratie, les Médias et la Technique, la Société entière venue témoigner à charge de ma coopération coupable avec son système.
Continue ReadingM’inventer un état civil
Ceci n’est pas un journal, non, pas la peine d’insister : je n’y détaillerai pas par le menu mon déjeuner du jour. Ni mon humeur, car ce serait lâcher trop d’indices déjà : serait-elle massacrante que vous pourriez en inférer une digestion laborieuse, qu’obstruent des mets trop gras. Une fondue savoyarde, peut-être, ou un aligot saucisse, hasarderez-vous, quelque chose à coup sûr me reste sur l’estomac, m’embouteille la bile pour me rendre à ce point irritable, et bouffir ainsi ma phrase de suif…
Continue ReadingLa première phrase qui me passe par la tête
Ceci n’est pas un journal. Oh que non ! Juste des phrases qui me passent par la tête, et que je couche sur le papier.
Continue ReadingÀ propos de L’Architecture
Si l’on voulait schématiser à l’excès — et Dieu sait s’il est délicat de le faire au sujet d’un tel livre — on pourrait tenir cette ambition exprimée à la page 103 : « écrire une autre langue dans sa langue » pour la meilleure synthèse du projet littéraire, éminemment stylisé, de Marien Defalvard. Sous l’étiquette de « roman » inscrite en couverture, puisqu’il a bien fallu que l’éditeur se raccroche à quelque catégorie identificatoire à l’attention de ses clients, on a bien plutôt affaire à une ondoyante méditation poétique, spirituelle, topographique, qu’encombreraient presque les minces repères censément narratifs noyés dans le flux introspectif du narrateur, faux double prétexte de l’auteur.
Continue ReadingDu souvenir comme apprentissage
Comment appréhender le phénomène du souvenir sans l’envisager comme résultant d’une empreinte laissée dans l’esprit, d’une trace profondément, quasi matériellement, inscrite dans l’âme ? Voyons d’abord le souvenir comme la remémoration d’une expérience. Lorsqu’elle a lieu, cette expérience apporte du neuf au répertoire de notre vécu, c’est-à-dire, si l’on tente de s’affranchir du registre de l’impression, que l’expérience nous fait ajouter de nouvelles ressources au périmètre des choses que nous pouvons exprimer, soit aux jeux de langage dont nous maîtrisons la logique.
Continue ReadingAlbum auguste
Une roulotte immobile au départ d’une halte
De pluie criblé l’abri crépite
Au voisinage du tonnerre
Torrents enrobent une coquille
C’est l’antichambre d’un pays
Le jour où je suis devenu cafetier
Fin de matinée. Alors que tout le monde est en balade, je somnole paisiblement au creux de l’alcôve du rez-de-chaussée comme un dimanche à la campagne. Trois coups subits sont frappés à la porte. Pris au dépourvu je sursaute et m’extirpe hâtivement du réduit tandis que déjà furètent deux yeux curieux sur un nez effilé à travers les carreaux. Le type m’est inconnu. Quel culot de fouiner ainsi chez moi, ai-je à peine le temps de penser qu’il ouvre carrément la porte sans attendre, et le voilà jaillissant à l’intérieur qui s’adresse crânement à moi comme un diable sur ressort sautant d’une boîte. Je crois avoir la berlue.
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